vendredi 10 décembre 2010

Une semaine à Saint Lunaire

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Cette petite station balnéaire, située immédiatement à l’ouest de Dinard, roupille aimablement dans la torpeur estivale que soleil et chaleur désertent pour le moment. Il faut dire que le ciel grisonnant éloigne les baigneurs et favorise nos déplacements touristiques.

Nous sommes arrivés jeudi 22 juillet 2010, après un sympathique repas pris à Rennes chez Jean-Jo et Anne-Marie, nous prenons la route de Saint Lunaire. Marie Anne Battais, belle-mère de Morgan nous accueille dans son petit appartement, bien localisé au centre de la station balnéaire, à 50 mètres de la plage. Elle fait grise mine sous un ciel nuageux sans perdre de son attrait grâce au sable fin et aux rochers l'enserrant. Notre hôtesse nous donne les conseils d’usage avant de s'en aller puis nous prenons nos marques: déballage de nos affaires et repérage des commerces. Paisible soirée.

Vendredi, départ pour Fougères — Cité des chausseurs, aujourd’hui disparus. D'abord nous faisons un arrêt à Dol de Bretagne célèbre pour sa cathédrale, chef-d’œuvre de l'art gothique normand, siège de l'évêché et première ville religieuse de Bretagne... pourtant la cité compte actuellement moins de 5 000 habitants.

Il y a foule ! sans défoulement intempestif, d'où l'agrément de notre balade ! Nous remontons la « Grande Rue des Stuart » où le pittoresque de nombreuses maisons médiévales diversement colorées, avec ou sans bardeaux, enchante l'œil ; Nous "fouinons" à la recherche des écrivains disparus, toujours présents dans nos mémoires. Sur la façade de l’ancienne Auberge Grand’Maison : un buste de Victor Hugo et la plaque attenante nous apprennent le passage du grand homme, accompagné de sa fidèle Juliette, en l'année 1836 : lors du voyage annuel que "Toto" accordait à sa "Juju" qui devait s'en contenter. La plaque précise aussi que la dépouille de Chateaubriand — qui fut collégien chez les Eudistes de la ville pendant deux ans — y fut veillée dans la nuit du 17 au 18 juillet 1848, avant d'être inhumée au moulin du Grand Bé en terre malouine, seul face aux fureurs océaniques.

Nous visitons un musée historique et d’art populaire, situé dans la belle demeure des chanoines appelée la Trésorerie. Il nous parut désuet et même dépassé malgré une belle iconographie. Témoignage zélateur de la Chouannerie, mémoire encore brûlante. Sa principale qualité, selon moi, est a modicité de son droit d’entrée.

À l’entrée de la cathédrale, deux jeunes filles proposent leur services de guides bénévoles de la SPREV. Nous apprenons que le bel édifice, d'apparence austère s’appelle Saint-Samson du nom du premier évêque qui fonda ici un monastère au VIe siècle après avoir fait des miracles pour asseoir sa renommée. C’est un vaste édifice gothique édifié en granit dont les tours ont des allures de donjons ; la tour sud du XVe siècle est flanquée d'un lanternon. Son chevet plat nous rappelle la cathédrale anglaise de Salisbury.
L'intérieur majestueux s'ouvre sur une longue nef baignée des éclats de lumière que déverse une superbe verrière. Le choeur de belles dimensions est tapissé de 80 stalles de chêne sculpté. Les miséricordes toutes décorées de visages individualisés et finement travaillés nous donnent la mesure du talent d'un ou des sculpteurs anonymes auxquels nous rendons hommage. Nous sortons par le grand porche qui flanque curieusement le côté droit de la cathédrale.

Puis nous restons déjeuner à Dol car l'indispensable parapluie de mon épouse gît oublié dans le petit musée qui ne rouvrira ses portes qu’à 14 heures. Bon repas à la Grabotais, dans une ancienne demeure du XVe siècle pourvue d’une grande cheminée accueillante. Le feu pétillant permet les grillades auxquelles nous avons fait honneur.

À Fougères, nous nous arrêtons à proximité du Château médiéval d'une belle teinte ocrée, énorme forteresse flanquée de treize tours debout, bâtie sur un éperon rocheux. Bel exemple d'architecture militaire que nous nous contenterons d'apprécier de l'extérieur.
Nous visitons d'abord l’église St Sulpice qui contient, entre autres curiosités, deux retables médiévaux en granit très travaillé ; puis nous montons dans les hauts de la ville pour photographier la maison et la statue du Marquis de la Rouërie, ami et combattant auprès de George Washington, pendant la guerre d'Indépendance américaine. Ce noble breton écrivit au président de l'Union une lettre de recommandation qu'il remit au jeune François-René de Chateaubriand, venu le visiter en partance pour le Nouveau Monde. Belle balade dans une ville aux rues très abruptes. Nous passons devant l'hôtel particulier qu'occupa un temps l'une des sœurs de Chateaubriand. L'on remarque maints commerces désertés (il est loin le temps où Fougères s'enrichissait de la vente de chaussures). Le tourisme paraît la principale activité. La municipalité a su aménager des trouées vertes qui offrent de beaux panoramas sur son château très visité, heureusement !

Samedi : Saint-Lunaire et Saint Malo.
La grisaille qui enveloppe Saint-Lunaire nous incite à un moment de farniente. Ainsi nous reprenons des forces après les escalades gymniques de la veille. La plage de sable fin nous tend les bras mais le temps nous en éloigne… Vers 16 heures, nous allons revoir la cité corsaire de Saint Malo. Balade d’une heure trente sur le Sillon à marée montante. Me reviennent des souvenirs vieux de plus de quarante ans qui vont se raviver chez ma cousine Claudine Viviani que je reconnais bien, malgré les nombreuses années écoulées depuis notre dernière rencontre. Nous faisons connaissance de son époux Dominique Lucas, autour d'une table bien garnie : souvenirs, souvenirs… Ce sont des hôtes remarquables, le repas et leur gentillesse en témoignent.

Dimanche : Combourg. Comme Marie-Hélène prépare une conférence sur le Voyage en Amérique de Chateaubriand… ça tombe à pic… la visite s'impose ! Émotion de ma femme devant l'un des lieux mythiques où vécut François - René, adolescent, en compagnie de sa sœur Lucile, enragé de désirs, en quête de sa Sylphide, fuyante créature née de ses rêves exacerbés par la sauvagerie et la magie de cette terre boisée de Brocéliande.
Aujourd'hui le château apparaît nu parce que débarrassé de la végétation ancestrale qui l'auréolait, dépouillé des masures paysannes qu'il dominait. Il a perdu en pittoresque et en poésie ce qu'il a gagné en notoriété ! les Mémoires d'Outre-Tombe irriguent aujourd'hui les mémoires touristiques, alertées par une publicité bien ciblée.
Une femme, estampillée guide "autorisée" attend notre groupe compact au pied du perron qui mène aux entrailles de la forteresse de Combourg. Brillante conférencière, dotée d’une voix forte et bien posée, elle nous a promenés, enchantés, citant des extraits célèbres des Mémoires d'Outre-Tombe qui ponctuaient chaque espace du lugubre château qu'elle a fait revivre par la magie du verbe de l'écrivain. Moment de grâce suspendue dans l'espace du Temps ! Rêveries.
La journée déroule ses heures consacrées aux promenades bucoliques et maritimes.

Ce séjour breton tourne décidément aux retrouvailles de la famille Viviani puisque nous partons sur les traces de l’hôtel Chateaubriand tenu autrefois par les Simon-Viviani, Louis et Jeanne, ma grand tante, auxquels succédèrent Régis et Jeannine, leur fille… Aujourd'hui, nommé Hôtel des Acacias, face à la la plage du Sillon, il me paraît aussi pimpant et fréquenté qu'autrefois...
Justement nous sommes attendus par Jeannine et Régis qui nous ont invités à dîner dans leur appartement chic... issime ! avec vue sur la mer d'ardoise qui flambera au soleil couchant Comme hier, souvenirs, souvenirs et table exquise… comme hier nous parlons de la future fête Viviani qui nous réunira, à Marignana, dans le berceau familial corse, au printemps prochain.

Lundi, nous "décompressons" et jeûnons après ces agapes à répétition. Le temps est toujours aussi peu engageant… L’après-midi, cap sur les plages situées à l’Ouest de St Lunaire qui défilent sans nous retenir : St Briac, St Cast puis St Jacut de la Mer qui nous offre une pause sur paysage panoramique et un rafraîchissement-crêpes dans un bistrot placé au sommet d'un château d’eau qui s'élève à plus de 100 mètres d'altitude, au-dessus de la mer.  Belle perspective ! d'un coup d'œil, nous balayons le paysage. Nous prenons du recul afin de saisir la beauté de cette côte d’Émeraude aux belles échancrures.

Mardi : Dinan. À 20 km de l’embouchure de la Rance, nous ouvrons les portes de cette merveilleuse ville féodale encore effervescente. Mais ce sont les derniers soubresauts de la fête médiévale qui a battu son plein, le week-end passé.
Nous avons préféré la visiter après les flonflons de la fête et commençons par le château seigneurial en majesté ! cela nous permettra d’entretenir notre forme physique car monter et descendre les rudes escaliers de pierre des souterrains aux combles est un bon exercice. Dans le donjon, édifié au XIVe siècle, nous consacrons un moment à l'exposition qui nous plonge au cœur du Moyen-Âge avec dessins, peintures, commentaires manuscrits, objets d’art profanes et sacrés qui ressuscitent le passé de la riche cité de Dinan.
Au sommet de la tour, comme tout touriste bien "élevé" nous contemplons, essoufflés, la vue panoramique forcément "admirable" puis dévalons quatre étages d'escalier en colimaçon à donner le tournis, pour nous retrouver dans l'espace- cuisine, sombre à souhait et très évocateur. Nous sommes maintenant dans les bas-fonds de la tour Coëtquen. Il fait sombre dans l' impressionnante salle voûtée ruisselante d'humidité où reposent de sidérants gisants médiévaux : couchés pour l'éternité, parfois à demi immergés dans une flaque d'eau, ils ne perdent rien de leur majestueuse prestance, beaux indifférents à l'indéniable présence.
Une exposition photographique « Regards sur Dinan, il y a cent ans » complète notre visite au château ! Nous émergeons à l'air libre. Il fait doux dans les ruelles ensoleillées. Nous découvrons l’église Saint Malo, aimablement cornaqués par par une jeune étudiante de la SPREV (voir Dol) puis nous zigzaguons dans la petite ville, l’œil aux aguets — et même l’oreille que Dame Béatrice et son psaltéron charment un temps. Finalement la faim nous conduit à fréquenter l’auberge du Pélican, où une bavette salutaire nous redonne de l’allant. Requinqués, nous descendons la très longue, pentue et pittoresque rue du Jerzual très animée qui aboutit au rafraîchissant port sur la Rance. Nous y prendrions bien racine ou bateau sur l'eau, mais il faut remonter la pente abrupte pour rejoindre le jardin anglais, où momentanément épuisés, nous nous reposons en admirant distraitement l'architecture paysagère à l'anglaise avant d'entrer dans l’église Saint Sauveur, propice au repos des touristes fatigués. Enfin, nous atteignons la porte Saint Louis où est stationné notre véhicule.

Mercredi, Marie-Hélène a voulu tremper cuisses et mollets dans la Manche, respirer l'air marin et se souvenir du film qu'Éric Rohmer tourna sur la plage de Saint Lunaire : "Conte d'été" (je crois…). Ses coquettes villas donnent sur un longue terrasse piétonnière qui domine la petite plage familiale dessinant, un demi-cercle harmonieux. Envie de farnienter pieds dans l'eau mais il est temps de monter à l'assaut de la ville des Corsaires, Saint-Malo. Nous faisons l'incontournable tour des remparts fouettés par le vent aigre qui baigne nos têtes nues. Beau site maritime éclairé d'une lumière diffuse. La promenade dans le dédale des rues intra-Muros nous replonge au cœur de l'enfance de Chateaubriand. Pause recueillie devant la Maison natale de l'Enchanteur. Une courte escapade nous mène au port de Saint Servan ; au pied de la tour Solidor, nous évoquons Suzy chanteuse de gouallantes dont le peintre Roger Toulouse fit le portrait en femme solaire.

Jeudi, nous prenons le chemin du retour. Au revoir St Lunaire… qui n'a jamais si bien porté son nom à force de bouder le soleil ! Lumière de lune et perles d'eau.
Avant de rejoindre nos pénates orléanais, nous prenons le chemin des écoliers autour de Vitré pour visiter la Collégiale Saint-Marie Madeleine à Champeau à 9 km au Nord-Ouest de Vitré. Malheureusement une brigade de couvreurs restauraient sa toiture endommagée. Toutefois, seuls dans l'édifice nous avons eu le loisir d 'apprécier l'élégance du chœur, les vitraux et les stalles sculptées.
Le dernier sourire de Bretagne se matérialisa au Château des Rochers-Sévigné, belle demeure solide où la Marquise, née Marie de Rabutin Chantal se plut à faire de longs séjours, s'occupant de son domaine, supervisant les travaux avec une morgue tout aristocratique que n'ont pas manqué de critiquer les Bretons d'hier et d'aujourd'hui.
Les jardins nous ravissent,la chapelle de style classique a belle allure, notre guide nous paraît compétente mais nous ne verrons que deux pièces du château, certes spacieuses.... garnies de beaux meubles et de souvenirs dont les lettres spirituelles, émouvantes d'une mère à sa fille adorée qui vit loin d'elle, sur ses terres de Grignan, au grand désespoir de la maternelle marquise... Douleur intime qui nous a valu l'une des plus belles correspondances du XVIIe siècle.

15 heures, retour à Orléans... Bonjour la Loire !
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